Journale Dans le carrousel des langues.

Lettre à la mère : Traduire Annette Hug qui traduit Rizal ou traduire Rizal ?

 

 

Une phrase revient en leitmotiv dans tout le roman d’Annette Hug, une phrase prononcée par la mère de Rizal et qui le hante :

 

« Du darfst nicht abfallen. »

Je ne sais pas quel est l'original, je ne sais même pas si cette phrase a été écrite en tagalog ou en espagnol. Mais je trouve la lettre que je pense être correspondante dans le livre d’Hélène Goujat[footnote Hélène Goujat, Réforme ou révolution? : le projet national de José Rizal (1861-1896) pour les Philippines, Paris : Connaissances et savoirs, 2010], qui en français a traduit : « promets moi d’être un bon chrétien. »  Et Hélène Goujat ajoute : « C’est précisément cette question de savoir ce que signifiait « être un bon chrétien » qui devint chez Rizal un véritable objet d’étude et de recherches, comme en témoigne son compatriote et ami Máximo Viola qui l’accompagna plus tard lors de son séjour à Berlin, en Autriche et en Suisse, et avec lequel il s’était à ce propos largement entretenu.»

 

Tout cela est convaincant, mais dois-je pour autant traduire cette phrase un peu sentencieuse par la traduction qui me l’explique ? Annette Hug, si elle l’avait voulu, aurait écrit «Sei bitte ein braver Christ». Et puis même si je reconnais la lettre, je sais que, dans son processus de digestion des sources, Annette Hug a collé, coupé, assemblé pour les recomposer à son image.

C’est Annette Hug que je traduis et non Teodora Mercado Rizal.

 

 

Elle écrivait à l’aveugle et tenait la plume avec peine, il avait

fallu prier une jeune parente de s’enquérir de la signification

de ses lignes et d’ajouter à la lettre une traduction.

«C’est peut-être ma dernière lettre, lisait-on. Écoute, mon fils, l’unique vœu d’une vieille mère. Ne va pas te perdre.»

 (Révolution aux confins, op. cit., p. 18)

 

 

 

Sie hatte fast blind geschrieben und den Stift unsicher geführt, also musste man eine junge Frau bitten, die Mutter nach der Bedeutung ihrer Worte zu fragen und dem Brief eine Übersetzung beizufügen. »Dies ist vielleicht mein letzter Brief«, war zu lesen. »Höre, mein Sohn, nur einen Wunsch habe ich noch offen in meinem Leben.

Du darfst nicht abfallen.«

(Wilhelm Tell in Manila, op. cit., p. 15)

 

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