La traduction révèle l’original
Au cours d’une de nos discussions (c’était en avril à Wernetshausen, là où se situe le Collège de traducteurs Looren où je résidais), nous grimpions le Bachtel , Annette a évoqué Walter Benjamin et son texte Die Aufgabe des Übersetzers:
So ist die Übersetzung zuletzt zweckmäßig für den Ausdruck des innersten Verhältnisses der Sprachen zueinander. So ist die Übersetzung zuletzt zweckmäßig für den Ausdruck des innersten Verhältnisses der Sprachen zueinander. Sie kann dieses verborgene Verhältnis selbst unmöglich offenbaren, unmöglich herstellen; aber darstellen, indem sie es keimhaft oder intensiv verwirklicht, kann sie es.
Ainsi la traduction a-t-elle en dernier ressort pour finalité l’expression du rapport le plus intérieur (innersten) entre les langues. Elle ne peut pas elle-même révéler ce rapport caché, ne peut pas elle-même le produire (herstellen), mais le présenter, en le réalisant en germe (keimhaft) ou intensivement, elle le peut. (AT, p. 92; trad. A. Berman)
Ce que la traduction de Rizal révèle de l’original de Schiller, c’est l’exotisme du champ lexical que Schiller applique à la Suisse centrale. À y bien regarder, la mer des quatre-cantons n’est pas si éloignée du texte original de Schiller et il n’y a souvent pas besoin de forcer pour appliquer ce paysage aux îles des Philippines.
Citons Schiller:
(Acte I, s.1)
Da grünet kein Reis
Und unter den Fußen ein neblichtes Meer
Le chasseur des Alpes
(paraît de l'autre côté, sur le sommet d'un rocher)
Tonnez, ô montagnes, chancelle ô sentier!
Bravant le vertige va l'arbalétrier.
Par les champs de glace
il passe hardi;
là, rien qui fleurisse,
là, rien ne verdit.
De brumes flottantes un vaste océan
dérobe à ses yeux les cités des vivants;
par les trous des nuages
il voit l'univers,
là-bas, sous les ondes
les champs toujours verts.
(acte III, scène 3)
Tell
Der Strom, das Meer, das Salz gehört dem König
Tell
Rivière, mer, et sel, tout est au roi.
(acte III, scène 2)
Bertha
Wo wär’ die sel’ge Insel aufzufinden,
Wenn sie nicht hier ist in der Unschuld Land ?
Bertha
Mais où serait cette île du bonheur
sinon ici, pays de l'innocence,
où vit toujours l'antique bonne foi
où l'on ne trouve pas la perfidie?
Parfois la traduction va plus loin et révèle ainsi ce qui est «en germe dans l’original».
Walther
Ey Vater, sieh den Hut dort auf der Stange.
Walther
Vois père, ce chapeau, là sur ce mât.
Car d’où vient ce mot si ce n’est d’un voilier ou peut-être même d’un paraw:
Ainsi aussi dans la traduction du roman d’Annette Hug en français. [annotation ](Cf. file indienne)[/annotation]