Dany Laferrière: Granate oder Granatapfel, was hat der Schwarze in der Hand?
Übersetzt aus dem Französischen von Beate Thill
Zweisprachige Leseprobe

La vie bucolique

Si on circule dans les petites villes américaines, on voit bien que rien n’a bougé depuis Norman Rockwell. Certains diraient même depuis Mark Twain. Restons à Norman Rockwell, ce peintre des joies simples et champêtres de l’enfance américaine. Dans un style lisible et agréable (son vieux rêve de charmer tout le monde) Rockwell a dépeint comme personne l’Amérique de la fin de la Dépression jusqu’aux premières manifestations des Black Panthers. C’était une époque assez étonnante où un grand journal comme le Saturday Evening Post pouvait commander à un artiste un tableau qu’il publiait en première page afin d’illustrer les grandes étapes de l’année (les changements de saison, les dates historiques ou les événements religieux). Et Rockwell a répondu exactement (et même un peu plus, selon John Updike) à la commande. Plus de trois cent vingt couvertures. La grande majorité de ces toiles racontent la vie dans les petites villes américaines (quoique né à New York, il a développé cette sensibilité pour la vie simple dans la localité de Mamaronek où il a passé une partie de son enfance). Rockwell est un artiste si discret sur les questions sociales qu’on se demande, en regardant ses peintures, s’il savait qu’il y avait des Noirs autour de lui. La même question se posera plus tard pour Woody Allen et la grande majorité de ses films. L’absence de Noirs, ne serait-ce que dans le paysage de Manhattan (la population noire tient une part essentielle dans l’énergie de la ville), devient insupportable. Je me suis toujours demandé comment fait Woody Allen pour filmer des scènes de rue à Manhattan sans qu’on voie un seul Noir. (À vrai dire, on en voit de plus en plus dans ses derniers films. Cherche-t-il à élargir son public ou vient-il de découvrir que l’absence de cette énergie rend certains de ses films anémiques ? Ne vous méprenez pas, c’est un vieux fan qui parle.) Rockwell avait décidé de peindre son univers de cette manière, et c’est son droit le plus entier. Et dans le monde de Rockwell (les petites villes toutes fleuries), tout va bien. Là où ça va mal, c’est plutôt dans les grandes villes, si sales et si corrompues. Cette idée de propreté morale se retrouve aussi chez J. D. Salinger. Le monde urbain est sale. On pourrait mettre ces trois-là ensemble : Rockwell, Salinger et Allen. Ils ont délimité le territoire émotionnel de l’Amérique. Confinement. Univers restreint. Pour Allen, au-delà du pont de Brooklyn, c’est l’inconnu. Salinger se déplace un peu plus que les autres, mais il le fait avec tant de précautions que ça n’en vaut pas la peine. Rockwell ne commence à bouger (disons que son esprit ne commence à s’ouvrir à d’autres gens que ses voisins immédiats) que vers la fin des années soixante, au moment où la bombe (sexe, race et rock and roll) lui éclate au visage. Ces explosives manifestations des Nègres qui allaient embraser l’Amérique entière et laisser le pauvre Rockwell un moment stupéfait. Son univers venait de basculer. Toute l’Amérique est en feu. Rockwell découvre à la télévision un monde qu’il croyait connaître. Ces gens si aimables, si humains, si justes de son Americana ne sont en fait que des monstres d’égoïsme, de racisme et d’intolérance. Quel choc ! Ses voisins : des racistes capables d’empêcher des enfants de fréquenter les écoles que fréquentent leurs propres enfants sous prétexte qu’ils ne sont pas de la même couleur. Rockwell est effaré. Son aveuglement le consterne. Son premier travail pour Look Magazine est une charge terrible contre sa chère Amérique. L’Amérique des petites villes irréprochables.

L’image est toujours aussi nette. Elle vient d’une photo qui a fait le tour du monde. Quatre agents de police accompagnent à l’école une petite fille de neuf ans pour qu’elle ne se fasse pas lyncher par une foule en colère contre la décision de la Cour suprême des États-Unis, qui venait de déclarer illégale la ségrégation dans les écoles. Rockwell connaît bien cette foule qui veut tuer. Il peut reconnaître chacune des personnes présentes. Ce sont les mêmes qu’il a peintes méticuleusement pendant cinquante ans dans toutes les activités de la vie quotidienne pour le Saturday Evening Post. C’est le peuple des petites villes : la promesse de l’Amérique. Les grandes villes sont corrompues, mais les vrais Américains vivent en harmonie dans les petites villes. Le credo des années cinquante. Et Rockwell est leur chantre. Mais tout a si brutalement changé. Et Rockwell se met à décrire « les nouveaux enfants dans le voisinage » (les Noirs qui s’installent dans les quartiers autrefois habités exclusivement par des Blancs). Il peint en 1968, pour Look, un tableau intitulé The Right to Know (« Le droit de savoir »). Tout y est dit. Le peuple qui vient demander des comptes à l’État. Bien sûr, l’État n’est qu’une émanation du peuple. On veut de nouveau noyer le poisson, mais l’effort est palpable. En réalité, les gens savaient et ont toujours su (cet argument est souvent invoqué en Europe par ceux qui veulent réduire leur responsabilité dans le scandale nazi : nous ne savions pas). Ce sont bien eux qui ont modelé, créé, inventé cet échafaudage hypocrite qui leur tombe sur la gueule aujourd’hui. Il faut quand même reconnaître que Rockwell s'est immédiatement réveillé et qu’il a tenté, de toute la force de son immense talent de pédagogue – ses traits sont si clairs, si simples, si évidents qu’il est impossible de les ignorer –, d’expliquer à l’Amérique profonde qu’un tel aveuglement n’était plus possible et qu’il fallait s’ouvrir, pendant qu’il est encore temps, à cette nouvelle vie. Il était le seul homme à pouvoir le faire, et il l’a fait.

 

Dany Laferrière: Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ?, ‎ Le Serpent à Plumes, 2002. S. 105-108.

Das amerikanische Idyll

Wenn man heute durch die kleinen amerikanischen Städte fährt, wird einem klar, dass sich seit Norman Rockwell nichts verändert hat. Manche meinen sogar, seit Mark Twain. Doch bleiben wir bei Norman Rockwell, dem Maler der kindlichen Freuden im ländlichen Amerika. Mit seinem ansprechenden und klaren Stil (er wollte schon immer alle erfreuen) hat Rockwell wie kein Anderer das Amerika nach der Großen Depression gemalt, bis zu den ersten Demonstrationen der Black Panthers. Es war in jener entlegenen Zeit, wo eine wichtige Zeitung wie die Saturday Evening Post mit dem Bild eines Künstlers auf der Titelseite die wichtigsten Momente eines Jahres darstellte (den Wandel der Jahreszeiten, die historischen Ereignisse, die religiösen Feste). Und Rockwell löste genau ein, was von ihm erwartet wurde (nach Updike ging er sogar noch etwas darüber hinaus). Mehr als 320 Titelseiten. Der Großteil seiner Bilder erzählt vom Leben in den amerikanischen Kleinstädten (er war in New York geboren, hatte aber seinen Sinn für das einfache Leben in dem Städtchen Mamaronek entwickelt, wo er einen Teil seiner Kindheit verbrachte). Als Künstler sparte Rockwell das Soziale so sehr aus, dass man sich bei der Betrachtung seiner Bilder fragt, ob er wusste, dass es um ihn herum auch Schwarze Menschen gab. Die gleiche Frage stellte sich später bei Woody Allen und der Mehrzahl seiner Filme. Dass die Schwarzen ausgerechnet in einer Landschaft wie Manhattan fehlen (wo die schwarze Bevölkerung prägend ist) wirkt unerträglich. Ich habe mich immer gefragt, wie es Woody Allen anstellt, in Manhattan Straßenszenen ohne einen einzigen Schwarzen zu drehen. (Tatsächlich tauchen sie in seinen letzten Filmen immer häufiger auf. Möchte er sein Publikum erweitern oder hat er inzwischen entdeckt, dass durch das Fehlen dieser Energie manche seiner Filme anämisch wirken? Verstehen Sie mich recht, hier spricht ein alter Woody-Allen-Fan). Rockwell hatte entschieden, sein Universum so zu malen und das ist sein unverbrüchliches Recht. In der kleinen Welt von Rockwell (den blühenden Kleinstädten) ist alles in Ordnung. Schlecht sieht es nur in den Großstädten aus, sie sind schmutzig und verdorben. Die Idee der moralischen Sauberkeit findet sich auch bei J. D. Salinger. Die städtische Welt ist schmutzig. Die drei passen zusammen: Rockwell, Salinger und Allen. Sie haben das emotionale Territorium Amerikas abgesteckt. Abgeschottet. Ein beschränktes Universum. Für Allen fängt schon jenseits der Brooklyn Bridge die unbekannte Welt an. Salinger reiste etwas mehr als die anderen, aber mit so vielen Vorsichtsmaßnahmen, dass er nichts davon hatte. Rockwell kam erst in Bewegung (sein Geist öffnete sich langsam für andere Menschen außer seinen direkten Nachbarn), als Ende der sechziger Jahre die Bombe (Sex, Rasse und Rock ´n` Roll) direkt vor seinen Augen platzte. Mit den explosiven Demonstrationen der Schwarzen, die ganz Amerika in Brand steckten und den armen Rockwell einen Moment erstarren ließen. Er musste zusehen, wie sein Universum unterging. Amerika stand in Flammen. Rockwell entdeckte im Fernsehen eine Welt neu, die er eigentlich zu kennen glaubte. Die netten, menschlichen, rechtschaffenen Leute seiner Americana waren in Wirklichkeit egoistische, rassistische und intolerante Monster. Was für ein Schock! Seine Nachbarn waren Rassisten und dazu bereit, andere Kinder am Besuch der Schule ihrer eigenen Kinder zu hindern, nur unter dem Vorwand, dass sie nicht die gleiche Hautfarbe hatten. Rockwell ist außer sich. Erschüttert über die eigene Blindheit. Seine erste Arbeit für das Look Magazine ist ein Schuss vor den Bug seines geliebten Amerika. Das Amerika der mustergültigen Kleinstädte.

Dieses Bild ist nach wie vor sehr klar gezeichnet. Er benutzte ein Foto als Vorlage, das schon um die Welt gegangen war. Vier Polizeibeamte begleiten ein kleines Mädchen von neun Jahren in die Schule, damit es nicht von einer wütenden Menge gelyncht wird, nachdem das Oberste Gericht der Vereinigten Staaten gerade die Rassentrennung in den Schulen für illegal erklärt hat. Rockwell kennt die zum Töten bereite Menge genau. Jeden Einzelnen von ihnen. Es sind dieselben, die er für die Saturday Evening Post fünfzig Jahre lang so sorgfältig bei allen Tätigkeiten des täglichen Lebens abgebildet hat. Es ist die Bevölkerung der Kleinstädte: das Versprechen Amerikas. Die Großstädte sind verdorben, aber die echten Amerikaner leben in den Kleinstädten harmonisch zusammen. Das Credo der fünfziger Jahre. Und Rockwell hatte es vorgebetet. Aber alles hat sich plötzlich so brutal verändert. Rockwell beginnt, die „neuen Kinder in der Nachbarschaft“ darzustellen (die Schwarzen, die in Viertel ziehen, die früher ausschließlich von Weißen bewohnt waren). 1968 malt er für Look ein Bild mit dem Titel „Right to know“ (Das Recht zu wissen). Darauf ist alles festgehalten. Das Volk kommt, um vom Staat Rechenschaft einzufordern. Allerdings geht der Staat vom Volke aus. Ein weiterer Versuch, das Ganze zu verschleiern, aber die Absicht ist erkannt. In Wahrheit wissen es die Leute und haben es immer gewusst (das gleiche Argument wird in Europa häufig von denen angeführt, die ihre Verantwortung für die Verbrechen der Nazis herunterspielen wollen: Wir haben es nicht gewusst). Sie selbst haben dieses Gebäude der Heuchelei entworfen, errichtet und aufrechterhalten, das jetzt über ihnen zusammenbricht. Es ist anzuerkennen, dass Rockwell sofort aufgewacht ist und versucht hat, mit der ganzen Kraft seiner pädagogischen Gabe – seine Striche sind so deutlich, so einfach, so einsichtig, man kommt nicht daran vorbei – dem tiefen Amerika klarzumachen, dass diese Blindheit aufhören und dass es sich öffnen muss, solange es noch möglich ist. Er war der Einzige, der das konnte, und er hat es getan. 

 

Dany Laferrière: Granate oder Granatapfel, was hat der Schwarze in der Hand?, aus dem Französischen von Beate Thill, Verlag Das Wunderhorn, 2021. S. 88-90.