Adèle Rosenfeld: Quallen haben keine Ohren
Übersetzt aus dem Französischen von Nicola Denis
Zweisprachige Leseprobe

En termes d’imaginaire collectif, le sourd était passe à la trappe, nulle légende dorée autour d’oreilles crevées. Les sourds n’avaient pas leur place dans les mythes fondateurs de l’humanité. L’empathie de l’humanité était indéniablement réservée aux aveugles. En Chine, les sourds étaient jetés à la mer ; en Gaule, ils étaient sacrifiés a leurs dieux ; a Sparte, ils étaient précipités du haut des falaises ; à Rome et Athènes, ils étaient exposés sur les places publiques ou abandonnés dans les campagnes.

Œdipe s’était crevé les yeux, mais pourquoi ? Il aurait dû plutôt se crever les oreilles. En réalité, c’était une affaire d’oreilles. Œdipe a mal entendu le message de l’oracle, c’était un malentendant, il n’avait pas su écouter les mises en garde. Mais le sourd n’a pas la grandeur de l’aveugle, ni son calme philosophique. Et l’engouement de la psychanalyse a persévéré dans ce malentendu. Non, vraiment, ça n’avait aucun sens, les psy ne sont ni yeux ni bouches, ils sont oreilles.

Le dernier mur qui accompagnait le visiteur vers la sortie exposait différents organes que j’attribuais au son, d’abord les poumons, l’organe du souffle, puis les cœurs sous tous les formats. Leur fonction était de pomper ce qui nous rendait vivants, c’était eux qui nous permettaient de tenir.

Les langues de lama, de hyène – des mauvaises langues –, léchaient leurs alcôves. (« Mais enfin, tu n’entends pas le th ? », disait la prof d’anglais, en insistant sur le bout de langue coincée entre les dents. « Mais enfin, tu n’entends pas le r roulé ? C’est pourtant pas compliqué », disait la prof d’espagnol, en me montrant le dos de sa langue dans sa bouche grande ouverte.)

Dans la vitrine suivante, des carrés gris avec en leur centre des petits trous noirs étaient épinglés sur des plaques numérotées. Je me référais à la légende pour y lire qu’il s’agissait d’oreilles de poissons. Un bouton était disposé à côté, j’ai appuyé dessus, déclenchant une salve de vibrations qui sont remontées jusque dans mes avant-bras. Un panneau lumineux s’est affiché pour compléter les informations : l’expérience sensorielle nous présentait la façon dont le poisson appréhendait le son, par vibrations.

Puis, on s’orientait vers le carré suivant complètement translucide : l’ouïe de méduse, l’opposé du trou noir que représente l’oreille chez les poissons et chez l’homme. À la place d’un bouton, on pouvait plonger son doigt dans un amas visqueux qui, de temps en temps, se contractait comme une vulve. Le petit encart lumineux précisait que les méduses n’avaient pas d’oreilles, qu’elles possédaient des organes sensoriels orientés vers la sensibilité visuelle ou l’équilibre. Je me sentais méduse, flottant dans la masse, sans visibilité.

L’huître occupait l’espace de transition vers l’oreille humaine. On pouvait glisser de nouveau son doigt et ça pinçait. L’encart lumineux précisait que l’huître réagissait aux audiogrammes qu’une équipe de chercheurs avait produits en se refermant brutalement, surtout lors des fréquences graves. Leur sensibilité aux vibrations du son leur permettait d’entendre le ressac, les dorades et les navires.

L’encart, enfin, expliquait que ces derniers nuisaient à la santé des huîtres qui s’ouvraient et se refermaient bien trop fréquemment.

Je les comprenais.

La vitrine consacrée à l’oreille humaine était nettement moins graphique que celle des poissons, cnidaire et bivalve, c’était un tableau composé de morceaux d’oreilles internes humaines, des petits éclats d’os, des débris. On aurait dit des morceaux d’épaves de bateaux mangés par le sel que la marée avait fait s’échouer au musée.

Mes oreilles n’avaient jamais pu prendre la mer pour voguer vers d’autres langues, j’étais tout au plus un mélange hybride de méduse, de poisson et d’huître.

 

Adèle Rosenfeld : Les méduses n’ont pas d’oreilles. © Editions Grasset & Fasquelle, 2022, p. 128-131.

In der kollektiven Vorstellung sind die Gehörlosen übergangen worden, es gibt keine Legenda aurea über lädierte Ohren. Taube hatten keinen Platz in den Gründungsmythen der Menschheit. Das Mitgefühl der Menschheit galt unbestritten den Blinden. In China wurden die Gehörlosen ins Meer geworfen ; in Gallien wurden sie ihren Göttern geopfert; in Sparta von Steilfelsen gestürzt ; in Rom und Athen wurden sie auf öffentlichen Plätzen zur Schau gestellt oder irgendwo auf dem Land ausgesetzt.

Ödipus hatte sich die Augen ausgestochen, aber warum eigentlich? Er hätte sich besser die Ohren ausstechen sollen. Eigentlich handelte es sich nämlich um eine Frage des Gehörs. Ödipus hatte die Botschaft des Orakels nicht richtig gehört, er war schwerhörig, er hatte die Warnungen nicht verstanden. Doch der Taube besitzt weder die Größe des Blinden noch dessen philosophische Gelassenheit. Und die Begeisterung der Psychoanalyse hat dieses Missverständnis noch weiter vertieft. Nein wirklich, so ein Unsinn, Psychologen sind weder Augen noch Mund, sie sind ganz Ohr.

Die letzte Wand, die den Besucher bis zum Ausgang geleitete, präsentierte verschiedene Organe, die ich dem Klang zuordnete, zunächst die Lunge als Atemorgan, dann Herzen in allen möglichen Formaten. Sie hatten die Funktion, unser Lebenselixier durch den Körper zu pumpen, sie waren es, die uns am Leben hielten.

Zungen von Lamas, von Hyänen – böse Zungen – leckten über ihre Nischen. (»Hörst du denn das th nicht ?«, fragte die Englischlehrerin mit der Zungenspitze zwischen den Zähnen. »Hörst du denn das gerollte R nicht ? Das ist doch nicht schwer«, sagte die Spanischlehrerin und deutete in ihrem sperrangelweit geöffneten Mund auf ihren Zungenrücken.)

In der nächsten Vitrine waren graue Vierecke mit kleinen schwarzen Löchern in der Mitte auf nummerierte Plaketten gepinnt. Der Bildunterschrift entnahm ich, dass es sich um Fischohren handelte. Daneben war ein Knopf angebracht, ich drückte ihn und löste eine Salve von Vibrationen aus, die bis in meine Unterarme ausstrahlten. Eine Leuchttafel blinkte auf, um die Informationen zu vervollständigen: Diese Sinneserfahrung zeige uns, wie sich der Klang bei Fischen überträgt, durch Vibrationen.

Dann ging es weiter mit einem komplett durchsichtigen Viereck: das Gehör der Qualle, das Gegenteil des schwarzen Lochs von Fisch- und Menschenohren. Anstelle eines Knopfs konnte man den Finger in einen glitschigen Haufen stecken, der sich von Zeit zu Zeit zusammenzog wie eine Vulva. Der kleine Leuchtkasten wies darauf hin, dass Quallen keine Ohren haben, aber Sinnesorgane für die visuelle Wahrnehmung und das Gleichgewicht besitzen. Ich fühlte mich wie eine Qualle, die in der Masse schwamm, ohne Sichtbarkeit.

Die Auster leitete zum menschlichen Ohr über. Wieder konnte man seinen Finger bewegen, und irgendetwas schnappte zu. Der Leuchtkasten wies darauf hin, dass Austern auf von Wissenschaftler erstellte Audiogramme reagieren, indem sie sich abrupt schließen, vor allem bei tiefen Frequenzen. Ihre Empfänglichkeit für Schallschwingungen erlaubt ihnen, die Brandung, Goldbrassen und Schiffe zu hören.

Das Kästchen erläuterte schließlich, dass Letztere der Gesundheit der Austern schadeten, weil diese sich zu häufig öffnen und schließen müssten.

Ich verstand sie.

Die dem menschlichen Ohr gewidmete Vitrine war lange nicht so grafisch wie die der Fische, Nesseltiere und Muscheln: ein Tableau, das sich aus Stücken des menschlichen Innenohrs, kleinen Knochensplittern und anderen Überresten zusammensetzte. Sie sahen aus wie salzzerfressene Wrackteile von Schiffen, die von den Gezeiten ins Museum geschwemmt worden waren.

Meine Ohren hatten noch nie über das Meer zu anderen Sprachen hin reisen können, ich war bestenfalls eine hybride Mischung aus Qualle, Fisch und Auster.

 

Adèle Rosenfeld: Quallen haben keine Ohren. Aus dem Französischen von Nicola Denis. Suhrkamp Verlag, 2023, S. 119-121.